Un soleil dans les bois

Alors que je me promène dans un bois tout en pente je l'aperçois de loin, tout là-bas dans les fonds. Comme une source de lumière il rayonne. Il est sorti, tout doucement, feuilles après feuilles, de l'anonymat dans lequel l'été l'avait plongé et, aujourd'hui il resplendit. C'est un érable couvert d'or frémissant au rythme du vent. Je descends pour m'asseoir auprès de lui et m'imprégner de sa beauté et de sa lumière. Des vols de grues passent les uns derrière les autres la pointe de leur V indiquant sans erreur possible le sud  bienfaisant et magnétique. Par intermittence je peux apercevoir l'eau de la rivière qui miroite entre les arbres. Je reste là longtemps, longtemps, longtemps... Au coucher du soleil je me décide enfin à retourner dans la prairie les yeux remplis de lumière.

Le lendemain, j'y retourne avec les elfes, ils ont aidé Dame Tartine à confectionner de nouveaux choux à la crème et fait des litres de thé de prairie, nous allons goûter là-bas pour profiter pleinement de cette magnifique journée d'automne et nous gorger de soleil et de lumière. Nous nous amusons à suivre les coulées, à nous pencher sur les terriers de renards en les imaginant en train de dormir là, sous nos pieds, tout au creux de la terre et, dans ce bois si pentu nous nous allongeons la tête en bas, j'ai l'impression de flotter dans la mer, comme si les arbres s'étaient transformés en algues géantes. Au détour d'un sentier nous rencontrons quelques elfes des bois qui, de leurs voix semblables aux murmures du vent, nous soufflent quelques secrets propres aux forêts et nous apprennent que dans un pays lointain (où sont partis pour un long voyage deux amis de la prairie) il existe, à l'automne, une cérémonie qui s'appelle “admirer l'érable”. Nous les invitons à venir déguster nos friandises sous notre arbre de lumière. Aussi gourmands que les elfes de prairie, ils recopient la recette des choux avec l'intention d'en faire aux myrtilles. Nous partageons encore quelques contes, danses et autres chants mais il faut bien retourner dans la prairie même si nous avons beaucoup de mal à quitter cet arbre qui nous réchauffe l'âme et le coeur. C'est sûr nous reviendrons souvent dans ce bois enchanté tout en veillant à préserver ses mystères, car un bois sans mystères n'est plus tout à fait un bois...