J'ai toujours admiré la relation entre Jane Eyre et Mr Rochester dans le célèbre roman de Charlotte Brontë. J'aime la rudesse empreinte de respect, d'estime, l'enrichissement, qui caractérise leur relation. Au début de leur rencontre, Mr Rochester s'adresse à Jane ainsi :
"Parlez, insista-t-il.
-Sur quel sujet, Monsieur?
-Sur ce que vous voudrez. Pour ce qui est du choix du sujet et de la manière de le traiter, je m'en rapporte entièrement à vous."
Ce passage m'a toujours captivé, troublé et fait réfléchir. Il ne s'agit pas d'un échange, d'une discussion. Comme il l'explique plus tard, Mr Rochester veut être distrait, détourné de ses sombres pensées. A chaque fois que je lis ce passage je m'interroge, qu'est ce que je dirais, moi, si Mr Rochester ou une autre personne me disait simplement comme ça : "Allez-y, parlez !"
Aujourd'hui, si j'étais face à lui, voilà ce que je lui raconterais...
Comme il a encore neigé ses derniers jours, j'évoquerais le silence quand la neige, peu à peu, recouvre le paysage et la beauté insoupçonnable des flocons quand on prend le temps de les regarder de près, si prés que notre souffle les fait fondre aussitôt. Je lui décrirais les chevreuils qui traversaient lentement la route dans la lumière des phares alors que je roulais, seule, la nuit dernière, à travers la campagne. Je lui conterais les rivières et les ruisseaux, leurs murmures au coeur de la sécheresse ou leurs grondements après la pluie; les orages qui traversent les chaudes nuits d'été, leur beauté, leur magnétisme et leur violence. Je lui parlerais de ce don étonnant, merveilleux, que possède l'être humain, cette créativité qui lui permet de rendre visible l'invisible. J'aborderais ma fascination pour les gens qui possèdent un imaginaire puissant qui les rend capables de créer des univers et d'y entraîner les autres. Je lui parlerais de mes rêves, de leur force surnaturelle et des lieux féeriques et parfois inquiétants où ils m'ont emporté ; des millions de vies et donc de possibilités qui se croisent chaque jour sur la terre. Je lui raconterais l'atmosphère des verger en fleurs, la nuit alors que la lune est pleine ainsi que la portée du son des cloches à travers l'espace, les jours sans vent. Pour essayer de le faire rire je lui révélerais la peur bleue que nous avions, mes cousins et moi, à l'idée de croiser un jour la Baba Yaga, la terrible sorcière, et du jour ou nous avons cru discerner dans la boue ses traces de pas autour d'une maison abandonnée provoquant la panique parmi nous. Enfin, je lui parlerais de mes lectures et du délicieux sentiment d'être mille fois plus riche après avoir lu un bon livre...
Il est fort probable qu'à ce stade là Mr Rochester ronfle paisiblement dans son fauteuil, pourtant, lui, cet homme brillant mais que ses erreurs et sa frustration rendent si dur, j'aurais aimé l'intriguer, l'emporter ailleurs par mon pouvoir d'évocation, l'apaiser un peu, que mon récit lui permette de voir le monde sous un jour différent, plus poétique. J'adorerais aussi être capable d'improviser une histoire à la manière de Meryl Streep et Robert Redford dans "Out of Africa"...
En fait, nous avons tous des milliers de choses à raconter, qu'elles soient vraies ou inventées de toute pièce, une fois que l'on a commencé à dérouler la pelote des souvenirs et de l'imaginaire le reste du fil suit naturellement...
Et vous que raconteriez-vous ?
Et vous que raconteriez-vous ?
A l'instant prise par la lecture de ton texte, je ne sais que dire seulement que ton texte est très beau et que l'on a envie de rêver sur le chant des cigales qui réchauffe les arbres enneigés et le sol gelé de ces journées d'hiver longues mais que l'on sait ne pas être éternelles. bon dimanche. bisou
RépondreSupprimerMerci beaucoup Sissy, ton commentaire est très beau et me fait très plaisir, je t'embrasse aussi et te souhaite un dimanche plein de doux rêves... :)
RépondreSupprimerJe lui raconterais les temples de là bas et leur vie désuète, simple, étonnante, fulgurante et ma rencontre avec une nonne sous les papayiers ( comment se nomme l'arbre aux papayes ?). Je lui dirais, comme toi, des rivières et ce que j'y ai vécu. Je lui dirai ma vie de chèvre corse au dessus du village de ma grand-mère où je ne vais plus. Je lui dirais les couchers de soleil aux Sanguinaires. Je lui dirais..bien des choses que je dis sur mes blogues où je veux emmener plutôt vers nos parts de rêves et de joies plutôt que vers nos côtés sombres, qu'il faut transcender
RépondreSupprimer(ou mourir).
J'ai lu ton texte d'une traite, avec plénitude. Ecris-nous encore...
Lôlà
PS. Marcher la nuit sous les arbres, avec toi, j'aimerais.
Tu vois Lôlà c'est exactement ce que j'espérais, que tu nous racontes tes voyages... je vois que nous avons le même but avec nos blogues moi aussi je veux éveiller les gens à la part de rêve,de beauté et de joie que nous portons en nous et que porte le monde aussi. Merci pour tes encouragements et pourquoi pas, un jour nous marcherons peut-être ensemble sous des pommiers en fleurs... :)
RépondreSupprimerOui. Et je pensais qu'un jour tu peux venir sur le motu, tu sais toutamohamotu !
RépondreSupprimerIl suffit de m'adresser un mail avec qques photos et un jour j'inventerai pour toi une visite dans le sable clair ( cf / rubrique " visites").
Cela serait super.
les histoires commencent parfois sans y penser vraiment , les mots déroulent un tapis multicolore et mouvant sur lequel l'imagination nous fait broder des aventures étranges , et quand il s'envole , alors là!!
RépondreSupprimerps : Les sœurs Brontë , j'aime!!
C'est une connaisseuse (croukou...) qui te parle, Mystère ...
RépondreSupprimer:)
Lôlà, je n'ai pas oublié, j'ai promis de t'envoyer des photos...
RépondreSupprimerce week end je te les envoies...
Croukougnouche, bienvenue dans la prairie, j'aime beaucoup cette image des mots déroulant un tapis multicolore...et oui, quand il s'envole, quelle magie !
Merci et à bientôt !
il fait bon dans ta prairie! et à entendre les oiseaux , le Printemps est déjà là!!
RépondreSupprimerMerci croukougnouche, je suis ravie de savoir que tu te plais bien ici, c'est le but de la prairie d'être un lieu où l'on se sent bien !
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